Les bases de l’autonomie en eau

L’autonomie en eau est un vaste sujet impliquant des considérations sur la quantité, la qualité et la distribution de l’eau. Cet article non-exhaustif aborde ces différents aspects. Notez qu’il n’existe pas une solution unique pour atteindre l’autonomie en eau. Les choix de solutions techniques et leurs mises en œuvre dépendent de chaque cas selon la volonté de chacun et la configuration initiale.

CONTEXTE

En Suisse et en France, environ 150 litres d’eau sont consommés par jour et par personne. Bien que toute cette eau soit potable, et donc traitée en conséquence, seule une petite quantité (moins de 6%) est utilisée pour la boisson et la cuisine. En réalité les postes les plus consommateurs ne nécessitent pas d’eau potable. En première place on trouve les douches (40%), suivi de la chasse d’eau (20%), la machine à laver (12%), la vaisselle (10%) et le reste est partagé par des consommations diverses (12%) comme le jardin, le ménage ou la voiture.

Bien sûr chaque cas est différent et ces chiffres varient grandement d’une personne à l’autre selon la localisation géographique, le type de logement, le nombre d’habitants et leurs modes de vie. Notez que les 150 litres mentionnés représentent la consommation visible. En moyenne, il faut ajouter 4000 litres invisibles pour la production de l’alimentation, des déplacements et des biens de consommations.

Après consommation, les eaux grises (éviers, douches, machines à laver) et les eaux noires (toilettes) doivent être traitées avant d’être relâchées dans l’environnement. La gestion de ces eaux usées ne sera pas traitée dans cet article mais est aussi un aspect important de l’autonomie.

OBJECTIFS

Comme pour les autres domaines de l’autonomie, il s’agit d’abord de définir ses objectifs. Est-ce que je veux être totalement autonome en eau ? Seulement pour la boisson et la cuisine ? Pour les besoins sanitaires ? Pour l’arrosage de mon jardin ou de mon potager ? Pour abreuver des animaux ? Est-ce que je souhaite garder une connexion au réseau ?

Ces choix dépendent de chaque individu et des raisons qui le poussent à tendre vers plus d’autonomie. Ils auront aussi une influence sur les solutions à privilégier. Il n’y a pas de réponse unique mais il s’agit de rester logique et cohérent. Durant l’analyse du projet, ces objectifs doivent parfois être adaptés aux contraintes techniques et au budget.

BESOINS ET USAGES

Que ce soit par des estimations par le calcul et/ou par l’analyse des factures, quantifier ses besoins en eau selon ses usages et ses objectifs est primordial. Il est aussi judicieux de prendre en compte la saisonnalité des consommations (été/hiver).

C’est l’occasion d’analyser sa situation, de comprendre quels postes sont les plus consommateurs, et de réfléchir aux moyens de réduire ses besoins (= sobriété et efficacité).

Ce travail sur la réduction des besoins est indispensable mais pas nécessairement synonyme de perte de confort. En plus de réduire son impacte sur l’environnement, avoir un usage plus raisonné et sobre de l’eau augmente le niveau d’autonomie à moindre frais.

L’APPROVISIONNEMENT ET LE STOCKAGE

Sources d’approvisionnement

Une fois vos objectifs définis et vos besoins quantifiés, il est temps de se demander comment satisfaire l’approvisionnement. Différentes solutions existent mais ne sont pas toutes adaptées à tous les usages. L’utilisation de puits, de forages, de courts d’eau et de sources n’est pas détaillé ici car la qualité de l’eau brute y est plus incertaine et variable selon les lieux.

Cet article se concentre sur la récupération et la valorisation de l’eau de pluie. Sa qualité à l’état brute étant généralement supérieure aux autres sources car on la prélève avant qu’elle ne soit en contact avec des contaminants présents dans les sols. 

Première vérification : le potentiel de captage

Nous vérifions d’abord si le potentiel de captage annuel peut satisfaire nos besoins. Pour cela, il faut connaitre la pluviométrie annuelle moyenne ou minimal (en mm) ainsi que la surface de captage disponible (en m2).

Toute l’eau de pluie ne peut être captée, une partie est perdue par des fuites et par évaporation. Le taux de captage est généralement compris en 80% et 95% selon l’installation et les matériaux utilisés.

Exemple 1 : Je considère une pluviométrie de 1142 mm (= 1.142 m) par an, une surface de captage de 110 m2 et un taux de captage de 90%. J’obtiens :

Pc = 1.142 x 110 x 0.9 = 113 m3

On compare ce résultat aux besoins annuels calculés précédemment. Si le potentiel de captage est inférieur aux besoins annuels, le niveau d’autonomie désiré ne sera pas assuré. Différentes solutions sont possibles :

  • Augmenter la surface de captage en utilisant d’autres surfaces (bâtiments annexes).

  • Réduire les besoins.

  • Utiliser une autre source d’approvisionnement (puits, forage, réseau…) pour certains usages.

  • Revoir et modifier ses objectifs initiaux.

Si le potentiel de captage est supérieur aux besoins annuels, l’autonomie est théoriquement possible mais il faudra réaliser une analyse plus poussée pour la garantir sur toute l’année. Cette condition est donc nécessaire mais pas suffisante ! En cause ? Le volume de stockage n’est jamais infini et l’irrégularité des précipitations (amplifiée par le dérèglement climatique) ne facilite pas l’exploitation de tout ce potentiel de captage.

Volume de stockage et analyse poussée

Vous avez calculé le potentiel de captage et l’approvisionnement en eau de pluie vous permet en théorie de satisfaire vos besoins sur l’année. Mais encore faut-il que l’eau soit disponible tout le temps. Le bon dimensionnement du volume de stockage est donc primordial.

L’irrégularité des précipitations rend le calcul du volume de stockage plus complexe qu’il n’y parait. En première approximation on pourrait le calculer avec la consommation journalière et la durée d’autonomie souhaitée. Mais cette méthode à ses limites.

Exemple 2 : Avec une consommation de 240 litres par jour (2 personnes à 120 litres) durant toute l’année et souhaitant une autonomie de 30 jours.

Volume de stockage = 240 x 30 = 7200 L = 7.2 m3

Ce calcul simpliste suppose que le stockage est plein au début de la période d’autonomie, ce qui est rarement le cas, notamment en fin d’été. Des analyses plus poussées sont donc bienvenues pour définir le volume de stockage et mieux comprendre le comportement de son stock. Chez Autonesta nous sommes en mesure de réaliser ces études. Voici un exemple de cas réel, qui démontre les limites d’un calcul simpliste. 

Exemple 3 : Nous avons sélectionné un lieu dans le Jura. Voici les valeurs de pluviométrie annuelle de 2000 à 2023.

Prenons l’année 2021, qui se trouve proche de la moyenne avec 1142 mm de pluie. Dans l’exemple 1 nous avons calculer un potentiel de captage de 113 m3 avec 110 m2 de surface de captage.

Avec une consommation de 240 litres par jour, le besoin annuel est de 88 m3. Le besoin annuel étant inférieur au potentiel de captage, la première vérification est validée.

Pour le dimensionnement du stockage, reprenons l’exemple 2 avec une consommation de 240 litres par jours, ce qui correspond à environ 2 personnes plus économe que la moyenne. Nous avons calculé 7.2 m3 pour 30 jours d’autonomie. On arrondit même à 10 m3 de stockage pour être plus sûr !

Voici comment aurait évolué le volume d’eau stocké dans ces conditions, en commençant l’année le stock plein à 10 m3 :

Malgré la pluviométrie élevée sur l’année, on se rend compte que les précipitations sont trop rares de février à avril et ne permettent pas de compenser la consommation. Pendant près d’une semaine, nos 2 personnes n’ont donc plus d’eau s’ils n’ont pas anticipé en réduisant leur consommation. Le potentiel de captage calculé à 113 m3 ne peut être entièrement exploité : lorsque le stock est plein, le surplus est perdu via le trop-plein. Le résultat serait encore pire lors d’une année à faible pluviométrie et avec de plus grandes irrégularités de précipitations.

Cet exemple montre les limites de calculs simplistes et l’importance d’une étude approfondie pour dimensionner le volume de stockage. De plus, quel que soit son volume de stockage, suivre l’évolution du niveau d’eau et anticiper les périodes sèches en réduisant sa consommation est nécessaire pour éviter de mauvaises surprises.

Aspects pratiques du stockage

Pour une utilisation domestique, les cuves doivent être enterrées. Ceci limite les fortes variations de température grâce à l’inertie du sol. En plus de réduire le risque de gèle, on évite la montée en température favorisant le développement de micro-organismes.

Dans le cas du raccordement de plusieurs cuves, il faudra garantir la durabilité du système de raccordement, sa fiabilité et/ou son accessibilité en cas de problème. Les raccordements en bas de cuves, donc profondément enterrés, son généralement garantis 10 ans. Mais que se passe-t-il si celui-ci est défaillant ? Avec ou sans garantie, il est très difficile d’intervenir pour le réparer. Un raccordement par siphon passant sur le haut des cuves évite ces désagréments. Un système de trop-plein doit aussi être installé pour évacuer correctement le surplus.

Le choix du matériau et du type de cuves sera traité prochainement dans un autre article. Cependant, notez que l’eau de pluie est acide et faiblement minéralisée. Les substances acides contenues dans l'eau de pluie réagissent avec les composantes basiques du béton ou du mortier de la citerne et mettent des sels minéraux en solution ce qui n’est pas le cas avec les plastiques ou le métal. Le choix d’une cuve en béton, ou maçonnée, s’impose donc souvent même si des solutions existent pour les autres matériaux.

QUALITE DE L’EAU

Le niveau de qualité de l’eau est évalué par analyse en mesurant des paramètres organoleptiques, physico-chimiques et microbiologiques. Du point de vue légal et normatif, la plupart des pays classent l’eau par catégories selon leur qualité, notamment : “eau potable” (ou “eau destinée à la consommation humaine”) et “eau de baignade”. Bien qu’il puisse y avoir de légères différences entre pays, les critères de qualité suivent généralement les recommandations de l’OMS. Ainsi, pour être catégorisée comme “eau potable” ou “ eau de baignade”, les paramètres mesurés doivent respecter certains seuils. Par exemple, selon l’OMS et pour les paramètres microbiologiques de l’eau potable, l’absence de bactéries Escherichia coli (0/100 ml) doit être assurée pour ne pas présenter de risque pour la santé humaine. Certains paramètres comme le pH peuvent être mesurées facilement avec des kits de mesure mais une analyse en laboratoire est nécessaire pour quantifier tous les paramètres.

Qualité selon l’usage

Comme vue précédemment, l’eau du réseau publique est traitée et potabilisée quel que soit l’usage… Alors que nous avons besoin quotidiennement de quelques litres pour boire et cuisiner, nous faisons la vaisselle et lavons notre linge à l’eau potable, nous prenons notre douche avec de l’eau potable et nous faisons nos besoins dans de l’eau potable… 

Devenir autonome en eau c’est être responsable la qualité de son eau. Bien qu’il soit possible de la potabiliser en intégralité, il est judicieux de traiter l’eau selon son usage. A long terme on économisera sur les frais de filtration et de traitement. 

Pour faciliter le travail de filtration/potabilisation et limiter les problèmes au niveau du stockage, contenant de l’eau stagnante, il est recommandé de gérer la qualité de son eau sur toute la chaine et donc dès le captage.

La qualité avant le stockage

Pour éviter toutes complications dans le stockage et faciliter le travail de traitement et de potabilisation ; l’eau stocké doit être de la meilleure qualité possible, et cela commence en amont du stockage. Ceci peut être réaliser au moyen de solutions simples, à l’installation comme à l’entretien. Une toiture propre limite les sources de contamination et les plus gros déchets (comme les feuilles) sont éliminés dès les gouttières grâces à des crépines. Avant l’entrée dans la cuve, on place un pré-filtre pour retirer les plus grosses impuretés. Filtres paniers et mousses filtrantes sont des solutions économiques, facile à installer et à entretenir.

La qualité du stock

Les plus grosses impuretés ont donc été retiré avant que l’eau n’entre dans le stock. Pour améliorer encore sa qualité on pourra intégrer une première cuve de décantation (1) avant la cuve de prélèvement (2). Par gravité, les impuretés moins denses que l’eau flottent à la surface alors que celles plus denses coulent au fond. Avec un raccordement des cuves approprié, la qualité de l’eau dans la cuve de prélèvement (2) est améliorée, et ce sans effort.

Finalement, il faut garantir l’étanchéité du stockage. D’une part pour éviter que de l’eau souillée ne se mélange au stock de meilleure qualité, et d’autre part pour éviter les fuites, et donc les pertes.

Qualité des différents usages

Les usages non-critiques sont ceux ne présentant aucun risque pour les personnes, c’est à dire quand l’eau n’entre pas en contact avec eux. Dans ces cas-là on pourra utiliser directement l’eau de la cuve, par exemple pour l’arrosage, le nettoyage ou même les toilettes. Pour les usages plus critiques, la filtration et/ou le traitement sera nécessaire pour éviter tout risque pour la santé.

Un filtre se définie par la taille de ses pores, ou trous, généralement exprimée en µm (“micromètre” ou “micron”). Il fonctionne de manière mécanique en retenant les particules qui sont plus grosses que ses trous. Avec le temps les filtres se bouchent ce qui réduit le débit. Selon les modèles, ils doivent donc être remplacés ou nettoyés régulièrement. Pour des raisons pratiques, on protège généralement un filtre de petite taille par un filtre plus grossier en amont.

Certains contaminants de petites tailles comme des virus, des métaux lourds ou des produits chimiques médicamenteux ne peuvent être filtrés mécaniquement par simple filtration. On utilisera alors d’autres méthodes comme l’osmose inverse ou le charbon actif.

Que ce soit pour les usages sanitaires ou pour la consommation, ce sont les analyses qui permettent de définir la qualité de l’eau et non pas le système de filtration ou de traitement en lui-même. Des solutions et des configurations variées existent selon le degré de sécurité, d’autonomie, de confort d’utilisation et d’entretien souhaité. A titre informatif, avec une eau stockée de bonne qualité, une filtration inférieure ou égale à 10 µm peut être suffisante pour les usages sanitaires sans présenter de risque pour la santé. Pour la potabilisation, on recommande généralement une filtration inférieure à 1 µm associée à du charbon actif.

POMPAGE ET DISTRIBUTION

Généralité

L’eau stockée doit être mise sous pression pour être distribuée jusqu’aux différents points d’eau du bâtiment. C’est le rôle de la pompe, ou plus globalement du groupe hydrophore. Un groupe hydrophore se compose d’une pompe, d’un réservoir (ou ballon) et d’un système de régulation (pressostat ou contacteur manométrique). La pompe assure la mise sous pression, le réservoir stocke le l’eau sous pression et le pressostat mesure la pression et commande la pompe en l’activant lorsque c’est nécessaire, à savoir : quand la pression du système est en dessous d’un seuil prédéfini.

La pompe peut être immergée ou en surface. L’avantage des pompes immergées est l’absence de bruit dans l’habitat pendant leur fonctionnement. Par contre, elles sont plus difficile d’accès en cas de panne.

Certaines pompes dites “automatique” gère seule leur démarrage, le pressostat y est en fait intégré directement. Le réglage de la pression n’est pas toujours possible contrairement à un pressostat annexe.

Le réservoir permet de protéger la pompe et donc d’augmenter sa durée de vie en lui évitant des démarrages intempestifs à chaque ouverture de robinet.

Les pompes n’apprécient pas de fonctionner à vide. Des systèmes de sécurités, par exemple avec flotteur, permettent de la protéger contre les marches à vide. Comme le pressostat, certaines pompes intègrent directement ce système.

Dimensionnement

Le bon dimensionnement de la pompe est essentiel pour garantir sa durabilité et le confort d’usage souhaité. Les deux paramètres à prendre en compte sont le débit (en m3/h ou L/min) et la hauteur manométrique totale (HTM, en m).

Pour des explications détaillées nous vous renvoyons à cet article qui traite spécifiquement de ces deux paramètres, de leurs calculs et de leurs utilisations pour sélectionner une pompe.

Aspects pratiques

Les impuretés et les débris présents dans le stockage et aspirées par la pompe peuvent réduire sa durée de vie. Pour la protéger, on place une crépine sur le tuyau d’aspiration et si possible un premier filtre en amont.

Comme mentionné précédemment, la gravité fera flotter à la surface les éléments (non-solubles) moins denses que l’eau et couler au fond ceux plus denses. En maintenant le bout du tuyau d’aspiration quelques centimètres sous la surface grâce à un flotteur, on évite d’aspirer ces éléments.

CONCLUSION

La gestion autonome de l'eau requiert une approche holistique prenant en compte la qualité, la quantité, les usages et la distribution. Réduire la consommation en comprenant les besoins spécifiques, adapter le stockage pour les fluctuations climatiques, filtrer l'eau en amont et bien choisir les systèmes de pompage sont des étapes clés. 

Se faire conseiller et accompagner par un professionnel indépendant offre l’assurance d’une expertise spécialisée et des solutions sur-mesures. Vous obtenez une vision globale du projet et vous pouvez prendre des décisions éclairées. Vous évitez de perdre du temps en faisant des erreurs contre-productives qui impactent souvent le budget…

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